mercredi 12 octobre 2022

La Dernière Nuit d'Aloysius Bertrand, le nouveau roman de Mathieu Dusart

L’une des réussites de Bertrand est de stimuler l’émulation de ses lecteurs : Baudelaire, Ravel, Magritte, Isel Rivero, José Donos, Fritz Leiber, Michèle Reverdy, Jérôme Lafargue, Philippe et aujourd’hui Mathieu Dusart, nombre d’artistes ont créé sous l’impulsion d’une lecture de Gaspard de la Nuit, en dialogue avec les Fantaisies à la manière de Rembrandt ou de Callot ou dans le but de rendre hommage à leur charme « mystérieux ». La Dernière nuit d’Aloysius Bertrand mêle au projet didactique de faire découvrir Gaspard de la Nuit et son auteur tout en assurant la mémoire de périodes historiques capitales, la résolution (non policière) d’un cold case, des intrigues sentimentales et des questions existentielles aux résonances éco-poétiques. Quatre fils narratifs, unis par un même souci de la transmission, s’entrecroisent grâce à une prose poétique où des vies s’éprouvent et s’épuisent, offrant des formules travaillées à mémoriser comme des leçons de vie. L’alternance des récits est scandée par l’existence de Bertrand imaginée à partir des biographies existantes et de la quinzaine de textes des Fantaisies cités intégralement (auxquels s’ajoutent quelques extraits). Conformément à ce que le titre annonce, c’est toutefois surtout le thème de l’agonie qui relie les quatre récits parallèles qu’on suit comme on le ferait de cinquante épisodes de quatre séries. La dernière nuit de l’écrivain du XIXe siècle et celle d’une Polonaise émigrée en France qui a connu la guerre et la Libération nous plongent dans le film de leur existence comme le spectateur des Choses de la vie se retrouve dans la mémoire et la conscience erratiques du personnage principal de Claude Sautet. Le lecteur assiste parallèlement à l’agonie d’un couple que mine le (non)désir d’enfant non partagé, s’interroge sur l’avenir d’une dictature vénitienne et sur le sens et les valeurs de générations qui ont reçu en héritage l’esprit de 45 – pour reprendre l’expression du documentaire de Ken Loach – en même temps qu’un monde profondément inégalitaire, pollué, vicié, en proie au dérèglement climatique. Chacun des personnages incarne des stratégies de survie – affective, (im)morale, égoïste, généreuse, résignée, poétique ou sordide – qui, par-delà le jeu avec les téléscopages temporels, renvoient des reflets peu flatteurs de notre époque, obligeant le lecteur à s’interroger sur ce qui la fonde et la caractérise en même temps que sur les beautés et laideurs de la nature humaine ou le sens qu’il peut donner à sa vie. Si le roman partage avec l’œuvre bertrandienne qui en constitue le fil d’Ariane nombre de motifs et préoccupations, au premier rang desquels on peut placer le mal sous toutes ses formes (individuelles et collectives, en particulier pour ces dernières, celles du fanatisme religieux, de l’oppression politique et des guerres), on peut surtout apprécier la sincérité d’une démarche qu’on imagine bien procéder de la dynamique que confie le personnage de Lucien à celui de Teodoro lorsqu’il lui présente Gaspard de la Nuit : « Je n’en ai rien compris, à la première lecture. Il m’a fallu apprendre à l’aimer. M’armer de patience. Prendre le temps de le découvrir, de le digérer. Aujourd’hui il me passionne. »

jeudi 6 octobre 2022

180e anniversaire de la publication de Gaspard de la Nuit

Grâce à David d'Angers, Victor Pavie et Sainte-Beuve, Gaspard de la Nuit. Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot. parut de manière posthume en 1842.